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LE GOLEM COSTEA: "J'accuse...! E. Zola/ Moi aussi...! A. Costea"

Data publicarii: 19.04.2013 09:30:00

 

 

LE GOLEM COSTEA:  

 

„J’accuse...! E. Zola 

 

Moi aussi...! A. Costea” 

 

 

I. EXORDIUM

 

Principium

 

Depuis Persée, personne n’a réussi, ni dans la fiction, ni en réalité, à placer devant l’humanité un miroir aussi meurtrier que cette étrange sculpture-installation d’Adrian Costea, existentiellement insupportable et grandiose par les perspectives philosophiques qu’elle engendre: « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea ». En mentionnant le héros grec Persée, je pense expressément au visage de la Gorgone Méduse, que personne ne pouvait regarder sans être pétrifié; la Méduse elle-même, le contemplant dans le bouclier du héros, est devenue un bloc de pierre.

La « citation » mythologique est, d’ailleurs, illustrée au sens propre, à l’aide d’un miroir placé de manière à ce que celui qui le regarde voit son visage derrière des barreaux.

 

 

 

Captatio benevolentiae

 

L’oeuvre, accablant par sa réalisation proprement-dite, est une première mondiale, par la multitude de styles qu’il suggère, sans s’arrêter à un seul. Ainsi, bien qu’à première vue, il semble être l’apanage du courant dénommé et défini par Jean Dubuffet, en 1945, comme art brut, « J’accuse… ! …» pourrait plutôt appartenir au courant outsider art, inventé par Roger Cardinal en 1972. Pourtant, on se rend compte très vite que cette intégration n’est ni technique ni stylistique, mais plutôt historique et philosophique, comme le Salon des refusés n’a pas été un courant, mais une sentence académique, devenue blason et cri de guerre d’une évolution – nécessaire - dans l’art. D’autre part, il est évident que « J’accuse… ! …» interfère massivement et en force avec le dadaïsme, aussi bien qu’avec le déconstructivisme et avec le conceptualisme, et en même temps, par la charge culturelle-académique et la densité des symboles, avec le postmodernisme. Bref, cette œuvre est si impossible à intégrer dans un cadre que tout courant peut le revendiquer sans se tromper, mais sans pour autant avoir raison.

 

A visiter l’atelier de travail d’Adrian Costea, quelque part dans le sud de la Normandie, pas très loin de la cathédrale de Chartres, au cœur d’un parc régional, il est impossible de ne pas être ébloui par la magnificence de cet endroit, où Dieu est une présence vibrante continuelle depuis près d’un siècle. C’est précisément là qu’un curé décidait, voici près d’une centaine d’années, de bâtir, par ses propres moyens et ceux de sa famille, un orphelinat avec une église. L’une est incorporée à l’autre, les deux formant un monolithe – et c’est aujourd’hui le logement et l’atelier d’Adrian Costea. Une terre à statut ecclésiastique, une sorte d’oasis. Cet environnement marqué par la divinité a eu une forte influence sur l’œuvre, par une distorsion créative du tumulte infernal d’un vécu personnel hors du commun. En fait, une interminable chute dans le vide, marquée par une succession d’avalanches, imbibées d’expériences multiples et extrêmes, toutes absurdes en égale mesure, malheurs ou miracles confondus… Parce qu’il existe aussi une variante sublime de l’absurde – le miracle ! Adrian Costea a pleinement connu – et ce de manière tout à fait directe – les entrailles de la Justice et de la Mort et a regardé dans les yeux, de très près, la figure incomprise et mortelle de sa propre existence, donc de sa propre Gorgone Méduse. 

 

Mais cela, pas au début. Donc pas avant de comprendre parfaitement l’abomination illogique de ce qui lui arrive et la dimension bouleversante du désastre. Si nous acceptons que l’histoire de l’humanité, c’est l’histoire des personnalités et que la destinée est le signe distinctif de ces personnalités (à la différence des citoyens lambda qui ont un sort), nous constaterons que la destinée, cet exécuteur testamentaire de l’histoire, est un bourreau aux préférences et aux habitudes étranges. En premier lieu, il aime les gladiateurs – et par voie de conséquence, le sang. En deuxième lieu, il adore la perfection. En troisième lieu (qui est un corollaire des deux premiers), il n’aime pas du tout les victimes ignorantes. C’est pourquoi, avant de les écraser, il va les faire « faisander », soit il les nourrit de culture et les entraîne de manière initiatique pour le grand spectacle. Adrian Costea a eu la malchance d’entrer sur la liste de la destinée. 

 

« L’entraînement » a commencé tôt, dès son enfance, lorsque, par une conjoncture biographique, il entre en contact avec le monde profond des paysans des Carpates – dont il ne connaissait même plus l’existence – avec leurs objets, leurs traditions et leurs coutumes immémoriales. Fasciné par l’archaïsme magique des objets paysans, d’une part, et par les objets de culte, notamment les livres religieux aux couvertures serties d’argent ou de bronze, de l’autre, portant, tous, les signes de l’usure ainsi que la patine des générations qui les avaient touchées, Adrian Costea s’est découvert les racines ancestrales qu’enfant élevé en ville, tel qu’il était, il ne se connaissait pas. C’est d’ailleurs ce qui le différencie de son compatriote Constantin Brâncuşi qui, au contraire, avait grandi au milieu de cette civilisation sauvage, et a dû arriver à Paris pour avoir, en s’en détachant, la perspective de sa propre ancestralité.  

 

Cette différence, imperceptible et non significative pour un observateur étranger, a généré deux tempéraments artistiques totalement opposés, mais complémentaires : l’un, replié sur lui-même, sage, immobile comme la chaîne des Carpates - Constantin Brâncuşi -, l’autre, fougueux, pressé et versatile, trouble ou limpide, tumultueux ou tendre, en un mot – spectaculaire comme l’eau, sous toutes ses formes - Adrian Costea.  

 

Ma conviction personnelle, c’est que la pensée dans son ensemble, très complexe et sophistiquée, qui régit la conception et surtout la symbolique de « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea » est issue des profondeurs primitives de la culture carpatique et en aucun cas des innovations stylistiques des différents nouveaux courants qu’Adrian Costea connaît et maîtrise, d’ailleurs.

 

  

 

II. NARRATIO

 

L’œuvre, haute de 3,26 m et pesant environ une tonne, se trouve, depuis décembre 2005, à Paris, dans le cabinet d’avocats de Jean Veil, un avocat visionnaire qui a eu l’intuition, la perspicacité et le courage de l’accueillir et de la présenter publiquement. En temps et lieu, c’est à lui que reviendront tous les honneurs, les applaudissements et le prestige d’avoir reconnu, avant tous, Adrian Costea, en défiant l’inertie et, probablement, parfois, même l’hostilité et l’ignorance sociale.

 

Etant donné que ce n’est pas une représentation anthropomorphe, « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi…! A. Costea » n’a pas de repères d’orientation, tels que l’endroit ou l’envers, ni de visage ou de membres. C’est une sculpture qui peut être contemplée de bas en haut, de haut en bas ou de manière circulaire, quel que soit l’angle où se place le spectateur. Selon justement cet angle de vue, elle révèle, progressivement, autre chose, elle devient autre chose, provoque autre chose, sans jamais se dé conspirer complètement.

 

La référence du titre « J’accuse…! E. Zola / Moi aussi…! A. Costea », c’est, bien évidemment, la célèbre intervention d’Emile Zola dans l’affaire Dreyfus, parue dans le journal L’Aurore, en 1898 - un texte fulminant, qui a divisé la France du temps en deux camps adverses. La réaction artistique d’Adrian Costea, par son œuvre paraphrasant Zola, repose sur la même plate-forme morale et il est déterminé par la révolte contre l’injustice.

  

   

 

Dans les termes postmodernistes de l’art et existentialistes de la philosophie, le mythe du monstre tué par Persée (la Gorgone Méduse), c’est la première « extension » philosophique incorporée à cette œuvre d’Adrian Costea. La deuxième serait le mythe de Sisyphe, mais dans la perspective tragique d’Albert Camus : « Sisyphe est le héros absurde. Il l'est autant par ses passions que par son tourment. [...] Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait? L'ouvrier d'aujourd'hui travaille, tous les jours de sa vie, aux mêmes tâches et ce destin n'est pas moins absurde. Mais il n'est tragique qu'aux rares moments où il devient conscient. Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition: c'est à elle qu'il pense pendant sa descente. La clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. »

 

Du point de vue existentiel et artistique, Adrian Costea illustre la posture tragique de Sisyphe, dans le sens proposé par le théoricien le plus redoutable de l’absurde, Albert Camus. Toutefois, ceci ne dit encore rien sur l’œuvre proprement dite, ni sur ses qualités, mais parle seulement de l’auteur. Sous l’aspect création, les choses commencent à devenir plus claires à peine lors de la rencontre d’Adrian Costea avec un autre professionnel terrible de l’absurde, « le praticien » Franz Kafka. Et plus exactement, avec sa nouvelle « Dans la colonie pénitentiaire », œuvre qui semble s’identifier du point de vue philosophique avec « J’accuse...! ... ». En réalité, ce texte de Kafka n’est qu’un exorde, une préface ou un motto à la sculpture de Costea.

 

Voici, pour conformité, comment l’officier du pénitentiaire (le tortionnaire) décrit la machine infernale à exécuter les sentences, qu’il appelle - avec une affection déviante – « appareil » et lequel finira par l’exécuter lui-même :

 

«C’est un appareil spécial. Il se compose, comme vous voyez, de trois parties. Chacune d’elles, avec le temps, a reçu une sorte de dénomination populaire. Celle d’en bas s’appelle le lit, celle d’en haut la traceuse, et là, suspendue au milieu, c’est la herse […]. Les aiguilles sont disposées en herse, et puis l’ensemble se manie comme une herse, quoique sur place et avec bien plus de savoir-faire. Vous allez d’ailleurs tout de suite comprendre. Là, sur le lit, on fait s’étendre le condamné. – Je vais d’abord, n’est-ce pas, décrire l’appareil, et ensuite seulement je ferai exécuter la manœuvre. Comme cela, vous pourrez mieux la suivre. Et puis il y a dans la traceuse une roue dentée qui est usée ; elle grince très fort, quand ça marche ; et alors on ne s’entend presque plus ; les pièces détachées sont hélas fort difficiles à se procurer, ici. – Donc, voilà le lit, comme je le disais. Il est entièrement recouvert d’une couche d’ouate ; à quelle fin, vous le saurez bientôt. Sur cette ouate, on fait s’étendre le condamné à plat ventre et, naturellement, nu ; voici pour les mains, et là pour les pieds, et là pour le cou, des sangles qui permettent de l’attacher. Là, à la tête du lit, à l’endroit où l’homme à plat ventre, comme je l’ai dit, doit poser le visage tout de suite, se trouve cette protubérance rembourrée qu’on peut aisément régler de telle sorte qu’elle entre exactement dans la bouche de l’homme. Ceci afin d’empêcher les cris et les morsures de la langue […]. Dès que l’homme est attaché, on met le lit en marche ; il vibre, par petites oscillations très rapides, à la fois latérales et verticales […]. Dans le cas de notre lit, les mouvements sont calculés avec précision ; ils doivent en effet être exactement coordonnés avec les mouvements de la herse. Or, c’est à cette herse qu’incombe l’exécution proprement dite de la sentence […]. On inscrit avec la herse, sur le corps du condamné, le commandement qu’il a enfreint. Par exemple, à ce condamné (l’officier montra l’homme), on inscrira sur le corps : « Ton supérieur honoreras. » […] Une fois que l’homme est sur le lit et que celui-ci se met à vibrer, la herse descend au contact du corps […]. D’elle-même, elle se place de façon à ne toucher le corps que de l’extrémité de ses pointes ; cette mise en place opérée, ce câble d’acier se tend aussitôt et devient une tige rigide. Dès lors, le jeu commence. Le profane ne fait, de l’extérieur, aucune différence entre les châtiments. La herse paraît travailler de façon uniforme. Elle enfonce en vibrant ses pointes dans le corps, qui lui-même vibre de surcroît avec le lit. Et pour permettre à tout un chacun de vérifier l’exécution de la sentence, la herse a été faite en verre […]. Vous voyez, dit l’officier, deux sortes d’aiguilles, disposées de multiples façons. Chaque aiguille longue est flanquée d’une courte. C’est que la longue inscrit, tandis que la courte projette de l’eau pour rincer le sang et maintenir l’inscription toujours lisible. L’eau mêlée de sang est ensuite drainée dans de petites rigoles et conflue finalement dans ce canal collecteur, dont le tuyau d’écoulement aboutit dans la fosse […]. Il faut donc que l’inscription proprement dite soit assortie d’un très, très grand nombre d’enjolivures ; la véritable inscription n’entoure le torse que d’une étroite ceinture ; le reste du corps est prévu pour recevoir des ornements […]. La herse commence à écrire ; une fois que l’inscription a fait un premier passage sur le dos de l’homme, la couche d’ouate se déroule et fait lentement tourner le corps sur le côté, pour présenter à la herse une nouvelle surface. En même temps, les endroits lésés par l’inscription viennent s’appliquer sur la ouate qui, par la vertu d’une préparation spéciale, arrête aussitôt le saignement et prépare une deuxième administration, plus profonde, de l’inscription. Ces crochets-ci, au bord de la herse, arrachent ensuite la ouate des plaies lorsque le corps continue à tourner, ils l’expédient dans la fosse, et la herse a de nouveau du travail. Elle inscrit ainsi toujours plus profondément, douze heures durant. Les six premières heures, le condamné vit presque comme auparavant ; simplement, il souffre. Au bout de deux heures, on retire le tampon qu’il avait dans la bouche, car l’homme n’a plus la force de crier. Dans cette écuelle chauffée électriquement, près de sa tête, on met du riz bouilli chaud, que l’homme peut attraper avec sa langue, autant qu’il en a envie […]. Mais comme l’homme devient alors silencieux, à la sixième heure ! L’intelligence vient au plus stupide. Cela débute autour des yeux. De là, cela s’étend. À cette vue, l’on serait tenté de se coucher avec lui sous la herse. Non qu’il se passe rien de plus, simplement l’homme commence à déchiffrer l’inscription, il pointe les lèvres comme s’il écoutait. Vous l’avez vu, il n’est pas facile de déchiffrer l’inscription avec ses yeux ; mais notre homme la déchiffre avec ses plaies […]. Mais alors la herse l’embroche entièrement et le jette dans la fosse, où il va s’aplatir dans un claquement sur la ouate et l’eau mêlée de sang. Justice est faite, alors, et le soldat et moi nous l’enfouissons. » 

 

 

La description de la machinerie d’exécution – en fait, une imprimante grotesque dont le support d’écriture était le corps humain – est hallucinante. Cette description a, d’une part, les caractéristiques d’un livre technique, d’un guide d’utilisation, mais il est, d’autre part, le scénario infernal d’une sculpture cinétique. Si Franz Kafka avait été artiste plasticien, il l’aurait réalisée à coup sûr. Mystérieusement, sa « mission » historique a été transférée dans le temps et reprise par Adrian Costea, qui l’a menée jusqu’à ses conséquences ultimes. C’est-à-dire jusqu’à la perfection conceptuelle et plastique d’une sculpture-installation, construite par l’accumulation de plusieurs dizaines de milliers d’éléments, quasiment tous expirés, usés et détournés de leur fonction initiale. Toutefois, avant de la concevoir et de la construire, l’artiste en a été la victime, vivant sur sa propre peau l’expérience d’une exécution publique monstrueuse, dictée par un système inexorable et absurde, auquel Adrian Costea a pourtant survécu par miracle. Nous remarquerons là une différence importante entre « l’appareil » de Franz Kafka et « la machine » de Costea : chez le premier, l’exécution est la conséquence, le final et la finalité de la conception, tandis que chez le second, l’exécution précède la conception et la construction. C’est donc l’inverse, c’est-à-dire que c’est encore plus absurde : la machine l’exécute avant même d’être construite !

 

Ainsi, « J’accuse...! ... » c’est non seulement l’illustration de « l’appareil » de « Dans la colonie pénitentiaire » de Kafka – livre qui se trouve effectivement incorporé dans la composition de l’œuvre, pendu à un crochet de boucherie ! – c’est, premièrement, l’accomplissement testamentaire d’une prophétie inachevée. Et son but ou le sens de cette création fabuleuse n’est ni décoratif, ni cathartique dans le sens courant du terme, mais tout simplement chamanique et profondément exorcisant. La sculpture « fonctionne », elle bouge, elle est vivante, elle exprime une réalité extrême, qui heurte directement et avec force la conscience de tout spectateur, l’obligeant à prendre attitude. Pour certains, cette attitude peut être de peur et d’abandon, pour d’autres, d’opposition acharnée, mais en tout cas, personne ne peut éviter la confrontation. La simple énumération des éléments qui la composent est accablante, car la sculpture est composée de plus de 30.000 éléments, dont beaucoup avec leur symbolique et leur destination primaire, mais regroupés et assemblés dans d’innombrables symboles et sens nouveaux lesquels génèrent à leur tour, par leur interaction mentale avec le spectateur, d’autres et d’autres sens, qui se réunissent tous à la fin en un sens commun, soit l’œuvre proprement dite : « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea ».

 

La référence à Emile Zola n’est nullement le fruit du hasard, elle non plus. Costea prend comme témoin historique l’écrivain français, pour rappeler au monde entier, mais aussi au monstre qu’il a créé, que l’absurde n’est pas le seul à être répétitif, la révolte l’est aussi. Et, parfois, même la victoire des innocents.

 

La première impression, au contact avec « J’accuse… ! … », c’est, en fait, un choc brutal : une vaste géométrie incohérente, une agglomération chaotique et immense de volumes et de formes, d’objets et de lignes entrecroisées, qui s’entre-percent, certains droits, d’autres courbes, et qui, au premier instant, peuvent renvoyer à la nouvelle « Le chef d’œuvre inconnu » de Balzac. Puis, après quelques secondes seulement, les choses commencent à s’éclaircir, comme après le réglage net d’un objectif, et la sculpture prend vie et acquiert un sens. Cependant, c’est un sens qui vous épouvante. Puis, si on résiste, on commence à remarquer les détails… et l’histoire commence, petit à petit, à s’esquisser.

 

Presque tous les matériaux employés dans la réalisation de la sculpture sont anciens, usés, rongés par la rouille et par l’action du temps. La « peau » de la sculpture n’est pas marquée par une quelconque patine artificielle ou par une imitation de l’ancienneté, mais par l’empreinte réelle de cette ancienneté, ayant sa propre fonctionnalité dans la construction générale, sur laquelle la poussière se pose inexorablement, en toute heure et jour après jour, comme un brouillard laiteux, approfondissant davantage le mystère. La structure de résistance de la sculpture, sa colonne vertébrale, est composée de deux anciennes brouettes, définitivement aboutées l’une à l’autre dans leur partie postérieure. Et pas par hasard, mais pour annuler définitivement leur ancienne destination et utilité en tant qu’outils et pour que, de leur immobilité et de la tension de la contradiction créée, une force nouvelle prenne naissance, support d’une autre destination et d’un autre sens. Sur cette structure sont rangées, pendues, plantées, jointes, soudées, vissées et collées etc. les plus de 30.000 pièces, indépendantes et disparates au début. Tous ces éléments, plus petits ou plus grands, ont été façonnés et réassemblés avec la minutie des horlogers ou des polisseurs de diamants. Ou, tout simplement, comme Brâncuşi qui, obsédé par la perfection, polissait ses « oiseaux » ou ses « vols » avec une obstination qui frisait la démence. Le même type de folie créative impétueuse est à retrouver chez Costea, qui a essayé, par « J’accuse… ! … », de suggérer, ni plus, ni moins, que l’invisibilité d’une force incontrôlable, par une sculpture d’une tonne. L’invisibilité en tant que telle étant impossible à obtenir, il a choisi la variante de la transparence. Quel que soit l’angle sous lequel on la regarde, « J’accuse… ! … » est pénétrable d’un bout à l’autre, non seulement avec le regard, mais aussi physiquement, avec la main.

 

  

   

 

S’il fallait résumer brièvement quelques-unes des principales parties définitoires de la construction, ces parties pourraient être les suivantes : les deux anciennes brouettes, le tableau – socle, les barreaux, le miroir de derrière les barreaux, la balance, la faux, la fourche, le perroquet, la tête du Magistrat, le pupitre du Magistrat et les instruments de torture (le piège à loups, le piège à renards, le piège à rats, une machine à hacher de la viande, des tenailles à clous, des couteaux, une hache, un couperet et des ciseaux etc.). Tous fonctionnels.

 

Ne prenons que quelques-uns, pour illustrer la pensée plastique se trouvant derrière les éléments composants. La Tête du Magistrat, par exemple, est un des éléments-clé de l’installation, parce que, se rapportant directement au titre de l’œuvre, elle représente l’essentiel de l’idée de Justice humaine. Cette « tête » est, en fait, la racine d’une plante à épines, arrachée à la terre où se trouvent le logement et l’atelier de l’artiste. Elle se compose de dizaines de milliers de petites radicelles, nettoyées, travaillées, complétées, fixées et coiffées de manière à ce que, comme je l’ai souligné, le regard peut la traverser de toute part, quel que soit l’angle. Les dizaines de milliers de petits fils symbolisent la complexité infinie du cerveau humain, mais aussi de la Justice qui, dans le sous-texte de la représentation, est pénétrable et, dans le même temps, impénétrable. Sur la « figure » du Magistrat est apposé un masque mais, en fait, aucun visage ne se trouve derrière ce masque. Malgré cela, au coin de l’œil gauche du masque on peut voir – paradoxalement ! – une larme : c’est la supposition, l’espoir du condamné que le Magistrat, homme lui-même, doué de la sensibilité que Dieu lui a insufflée au moment de la création, peut, éventuellement, prononcer un arrêt clément. C’est, en fait, une simple illusion : le masque ne pleure pas et ne pleurera jamais !

 

Je rappelle que toutes les indications de texte – « recto », « verso », « droite », « gauche » - sont purement conventionnelles et je les ai introduites afin de satisfaire le besoin d’orientation dans l’espace et de cohérence du discours. En réalité – et je le répète – la sculpture, dans son ensemble, a été créée de manière à ne pas avoir de tels repères. Ainsi…

 

Devant le Magistrat, sur le pupitre, se trouve, ouvert, le livre d’après lequel l’inculpé est jugé et d’après lequel la condamnation à mort lui est lue. Et ce livre porte le nom d’« Eternelle et Fascinante Roumanie », la plus complexe, profonde et tendre monographie/anthologie en images jamais réalisée par quelqu’un au peuple roumain et indirectement à la Roumanie, pays où l’artiste a fait l’imprudence de revenir. L’expérience d’Adrian Costea est similaire – mais, de loin, beaucoup plus drastique et, par ses conséquences, plus grave – à celle de Brâncuşi qui, de retour en Roumanie après que son nom eut acquis une portée mondiale, a prononcé la phrase suivante, notée par ses contemporains : « Je vous ai laissés pauvres et bêtes, je vous ai retrouvés encore plus pauvres, et encore plus bêtes »…

 

Sous l’«Eternelle et Fascinante Roumanie », à sa gauche et à sa droite, bien cachées, mais parfaitement en vue, se retrouvent, en français et en hébreu, un exemplaire du Nouveau Testament et, respectivement, de l’Ancien Testament. Sur les couvertures et à l’intérieur de ces livres fondamentaux de la civilisation humaine, des centaines et des centaines de mots, signes, lettres et chiffres sont écrits et/ou dessinés, à l’encre mauve. Difficiles à comprendre, selon moi, même pour une personne initiée aux religions secrètes.

 

 

 

Sur la marge frontale du pupitre, dans un cadre circulaire, qui est en fait le couvercle d’une boîte de Camembert, l’auteur a écrit, à la peinture rouge, la phrase sentencieuse suivante: « Tant que la Justice sera humaine, il y aura des erreurs ». L’association entre la gravité de l’aphorisme et le support sur lequel il est écrit (le couvercle d’une boîte de fromage!) concurrence en cynisme la citation « Arbeit macht Frei », que les nazis ont sortie de son contexte de la « Phénoménologie de l’Esprit » de Hegel et « plantée » au-dessus de la porte de a prison d’Auschwitz. A la différence près que la cible du cynisme d’Adrian Costea, c’est sa propre condition humaine. Derrière et en dessous de cette inscription sont placés entre autres : un livre de Kafka, plusieurs photos représentant un corbeau mort et quelques enveloppes contenant des dénonciations anonymes, qui portent, dans la tradition populaire française, l’appellation de « lettres corbeau ». Près d’elles se trouve une sonnette cachée, que le Magistrat peut actionner en cas de danger.  Toutes ces pièces, comme beaucoup d’autres composantes de la sculpture, sont tachées de sang, et le sang provient des blessures subies par Adrian Costea tout au long de l’année 2005, lorsqu’il créait « J’accuse… ! … ». En fait, l’ensemble de la composition est ainsi taché de sang, et ce sang-là a été laissé « imprégner » l’œuvre à dessein. Pratiquement, l’artiste est devenu ami à la vie et à la mort avec sa propre création, s’y enchaînant par une relation mystique dangereuse, définitive et irrévocable comme une condamnation… 

 

A gauche, à droite et devant le Magistrat se trouvent neuf exemplaires du livre intitulé La Roumanie à l’heure de la vérité », réécrit, édité et distribué par Adrian Costea, pour et au nom d’Ion Iliescu, l’ancien président de la Roumanie, dont il a été le conseiller et le financeur depuis 1992 et jusqu’à la fin de l’année 1996. Sur chaque page de chacun des neuf livres, comme d’ailleurs aussi sur les 600 pages de l’anthologie « Eternelle et Fascinante Roumanie », Adrian Costea a écrit, de sa propre main, les mots : « Je suis innocent ! », a indiqué la date et a signé. En tout, plus de 6.000 fois. A ce niveau de décodification des clés de l’œuvre, il devient évident que nous avons à faire ici à une interprétation faussée de la « machine » de « Dans la colonie pénitentiaire », qui écrit, sur la peau du condamné, la raison de sa condamnation. « La peau » du condamné Adrian Costea est, dans ce cas, son interface publique, respectivement ses propres livres, créés, conceptualisés, écrits et réécrits, financés, édités et distribués, dans des dizaines de milliers d’exemplaires, de par le monde, en long et en large.

 

A la droite du Magistrat on retrouve aussi une clochette, qui annonce l’ouverture et la clôture des séances au tribunal, ainsi qu’une statuette, représentant Remus et Romulus allaités par la Louve – symbole de la naissance de Rome, mais aussi du peuple roumain, parce que la Louve est un symbole dacique -, référence historique allusive à sa propre identité. C’est toujours là que se retrouve une boule de papiers froissés, contenant des informations et des indications non officielles, de la part des différents services secrets et adressés au magistrat qui a instruit l’affaire. Sur ces papiers froissés, on peut lire les mots suivants, écrits à la main, à la hâte: «Commission Consultative Du Secret De La Défense Nationale». Et voilà Adrian Costea qui entre de nouveau dans l’histoire, mais cette fois-ci, dans une histoire invisible pour le citoyen lambda, secrète et mise en lieu sûr. Pourquoi Adrian Costea a-t-il pu être si important pour l’État français que ce dernier, pas ses décisions irrévocables, l’assume et l’assimile de manière définitive, dans l’intimité de sa propre histoire ?

 

A la gauche du Magistrat, une autre statuette, celle-ci en porcelaine fine peinte à la main, statuette qui renvoie directement au film « Procès de singe », un film de portée mondiale, réalisé par Stanley Kramer, et dont la première a eu lieu en 1960. Près de cette statuette veille un sablier, mais aussi le maillet qui consacre la décision finale. Avec un sarcasme digne de son compatriote Eugène Ionesco, Adrian Costea a remplacé le marteau du magistrat par un marteau de cordonnier. La statuette susmentionnée n’est pas un simple objet de décor ou d’équilibre visuel de la construction (à l’instar des fenêtres en trompe l’œil du rococo), mais un renvoi grave au grand dilemme existentiel : sommes-nous la création de Dieu ou sommes-nous les descendants des singes ? Si nous revendiquons notre origine divine, la mascarade de cette Justice « humaine » devient une insulte à l’adresse de la Création et du Créateur et sera sanctionnée par la même mesure. Le sablier mesure le temps de réponse, qui est limité.

 

« Derrière » le Magistrat s’élance, sortant des profondeurs de la sculpture, une faux avec le manche, la poignée et la lame en acier. La faux représente, bien entendu, la peine de mort, et sur sa lame est accroché un perroquet, symbolisant l’avocat de la défense ; ce dernier serre désespérément la lame de la faux avec une patte, dans l’intention absurde de la bloquer, et avec l’autre, il « manie » un saxophone sur lequel il « joue » sa plaidoirie, en essayant de déterminer le magistrat à être juste dans ses décisions.

 

« Derrière » le Magistrat, un peu plus bas, se trouve un autre masque, représentant le Juge d’instruction. Depuis le masque du Juge d’instruction vers le bas, à la verticale, on ne trouve que des instruments pour appréhender, arracher, couper, hacher, écraser, fendre, percer et déchirer.

 

Sous le pupitre du Magistrat, sur la face « frontale », se trouve le cadre d’une fenêtre prévue de barreaux (acquis auprès d’une prison désaffectée), et derrière les barreaux, dans la partie inférieure, a été monté un miroir. Le spectateur qui regarde l’œuvre de cet angle y voit son propre visage… Mais de derrière les barreaux…

 

 

 

 

Sur une autre facette de la sculpture-installation se trouve, parmi d’autres éléments de composition, la Balance. Sur chacun de ses deux plateaux « veille » une chouette en argile, de couleur blanche mate, symbole universel de la sagesse ; la chouette est entourée d’une multitude de glands de chêne, de brindilles et de feuilles de chêne, évocation du roi Louis IV, qui avait l’habitude de rendre la justice sous un chêne ; sur les deux plateaux, on retrouve aussi huit Codes pénaux, ouverts aux articles de loi décrivant une partie des chefs d’accusation contre Adrian Costea. Un détail qui n’est nullement le fruit du hasard, c’est que les plus d’un millier de glands de chêne présents sur les plateaux ont été d’abord « démontés » pour ainsi dire par Costea de leurs capsules, nettoyés, réassemblés, vernis, distribués et fixés, pièce par pièce, de manière à ce qu’ils ne dépassent pas le nombre et le poids fixe avec lequel la balance se maintient en équilibre ! La même minutie allant jusqu’au paroxysme, qui frise la démence ou le génie…

 

Les éléments de construction de la sculpture sont, comme je l’ai déjà dit, bien plus nombreux et sont tous porteurs d’une puissante charge symbolique. Je n’en ai mentionné que quelques-uns, pour suggérer, pourtant, une perspective de l’ensemble, mais je m’arrêterai là afin ne pas transformer l’analyse en un inventaire. Je soulignerai cependant encore deux raisons qui se révèleront d’elles-mêmes.

 

L’une, c’est la Fourche, outil ménager, agricole, et en même temps arme de défense et d’attaque, sur laquelle est placée la Coupe du Graal. Lorsque cette dernière se remplit et le liquide se verse, une goutte s’écoule sur un des bras de la Balance, et de là, sur un de ses plateaux, fait qui provoque le déséquilibre général et ainsi, la « Machine » se met en mouvement. Sur une des dents de la Fourche est accrochée la robe d’avocat de Jean Veil, devenue ainsi partie constitutive de la sculpture, avec toutes les implications occultes et symboliques qui en découlent…

 

 

Le dernier élément majeur de la construction que je mentionnerai encore, c’est la base ou le socle de l’œuvre. C’est, en fait, une peinture abstraite sur bois, dans un cadre ancien, recouvert de feuille d’or et patiné en bronze-turquoise. Par la vibration des touches, par ses couleurs et ses lignes, le tableau symbolise l’espoir. Au milieu de ce tableau, exactement sous la Machine infernale d’Adrian Costea, dans une poêle rouillée et percée, se trouve un souriceau en caoutchouc qui pousse des cris lorsqu’il est pressé-écrasé, puis il revient à sa position initiale. Sur son corps sont marqués les symboles de l’euro, du livre sterling et du dollar. Le souriceau, prêt à presser et à écraser, c’est, dans la vision d’Adrian Costea, Adrian Costea lui-même.

 

Cette œuvre comporte aussi une partie invisible, même si elle est en vue : les deux brouettes qui constituent la pièce de résistance, la « colonne vertébrale » de l’ensemble, se croisent entre elles (mais croisent aussi les ailes de la sculpture), de manière à ce que, vue dans la section latérale de ces brouettes, la sculpture-installation « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea » révèle, sans l’ombre d’un doute, la Croix de St André, mais cela, uniquement au spectateur attentif et avisé.

 

III. ARGUMENTATIO

 

Ceci étant dit, reste encore à éclaircir le problème d’encadrer cette œuvre. Ou, plus exactement, celui de ne l’inscrire dans aucun des courants plastiques connus jusqu’à maintenant. Bien que cette sculpture semble, in extremis, une œuvre d’art brut, elle n’en est pas une, en fait. La technique, les matériaux et l’instinct qui l’ordonne le sont, peut-être. Mais Adrian Costea n’est ni maçon, comme Sam Rodia, ni facteur, comme Cheval de Hauterives. C’est un artiste avec une culture sophistiquée, qui évolue avec aisance entre Phidias et Richard Serra ou Donald Judd, du point de vue de l’exercice plastique, et du point de vue de la charge encyclopédique, d’Homère à Eugène Ionesco, des mystères antiques à la Kabbale et au vaudou, de la doctrine de Pythagore aux enseignements de Saint Augustin et de Thomas d’Aquin ou à la théosophie d’Helena Blavatsky. La numérologie lui est familière en égale mesure, c’est même un domaine de prédilection, et tout cela infuse l’ensemble de cette œuvre avec des sens et des significations occultes, mystérieux et encore inconnus à l’art contemporain.

 

 

 

L’impression fausse d’art brut vient de son apparence extérieure, et non de la construction en tant que telle, ni de « l’ingénierie » sur laquelle elle repose. L’artiste a choisi, attentivement, une partie seulement des instruments et des matériaux de l’art brut, mais ces derniers ont été soumis et agencés selon une pensée complètement étrangère au courant. Et cette pensée, comme je l’ai dit au commencement, n’est pas issue des innovations stylistiques des courants modernes, mais des profondeurs primitives de la culture carpatique. Laquelle se retrouve, à son tour, dans les grandes cultures des débuts de l’humanité. Toute la pensée plastique d’Adrian Costea est, en fait, une pensée magique, ce qui le rend, malheureusement, inaccessible à beaucoup d’entre nous. L’intentionnel dans l’œuvre « J’accuse… ! » n’a même pas été artistique. Adrian Costea a voulu, tout simplement, se forger un instrument magique protecteur, un bouclier de défense et d’attaque, un véritable talisman. Après une longue série d’échecs, de souffrances et de désappointements qui se sont enchaînés dans sa vie, pendant neuf ans, il s’est rendu compte qu’il était tout à fait seul contre un système absurde et impitoyable, auquel il est impossible de s’opposer par les moyens courants. Et c’est alors que, par désir de survivre à tout cela, il construisit son propre Golem, en employant toutes les techniques magiques connues et/ou dont il était le seul à avoir l’intuition. Une précision s’impose : les connaissances d’Adrian Costea dans ce domaine sont vastes et profondes, et ce non seulement dans la perspective de la connaissance académique, mais, surtout, dans celle de l’initié pratiquant… Sur le masque couvrant la figure inexistante du magistrat, toute une série de mots, de lettres et de chiffres sont griffonnés de manière imperceptible : EMET(H), MET(H), ADAM, RAVA, RABBI LOEW, VERITE, RABBI ZERA, GENESE 49/9, DER GOLEM – EUGENE d’ALBERT – 1926, SEFER YETSIRA – PATRIARCHE ABRAHAM, 27, GUEMARA SANHEDRIN, MARIE STUART, ZOHAR, YHWH, JHCHWH, AHAVAH + EHAD = AMOUR + UNITE = 13, TEMURA, NOTARIKON, TORAH, RABBI ICHMAËL, MOÏSE 613, LEV, MOHEÏDDINE IBN ARABÎ et beaucoup d’autres… Le tout, dans un désordre apparent. Je laisse à ceux qui s’y connaissent mieux le soin de tirer leurs conclusions eux-mêmes, pour autant que ces conclusions puissent être tirées…

 

Seul le point de départ du golem d’Adrian Costea est commun avec celui de l’écrivain Gustav Meyrink (auteur du roman « Le Golem ») – et même ce point de départ ne l’est que partiellement. Car l’univers concentrationnaire de l’artiste plasticien Adrian Costea n’est pas le ghetto juif de Prague du tailleur de pierres précieuses Athanasius Pernath, mais l’ensemble de la planète Terre, devenue Ghetto. Entourée et empreinte de dangers de toutes parts, tant de l’intérieur que de l’extérieur, le Ghetto-Terre est devenu une menace pour lui-même, parce qu’il a commencé à s’auto-dévorer. C’est le message fondamental et final, matérialisé dans cette sculpture d’Adrian Costea, et son signal d’alarme. C’est le « Cri » d’Edvard Munch, mais exprimé par un autre langage et élargi à l’échelle universelle, tant par son amplitude que par ses détails. Et l’emplacement de son étonnant Golem est plein de significations, parce que ce n’est pas la rue Hahnpassgasse, de Prague, comme dans la fiction de Meyrink, mais le 38 Rue de Lisbonne, Paris VIIIe, de la réalité très précise d’Adrian Costea. Ainsi, la maison du Golem et le Golem proprement dit composent, à la fin, un monolithe géant et mystérieux, qui perce les consciences, transgressant continuellement et en secret le visible et l’invisible.

 

La folie de la symbolique magique ne s’arrête pourtant pas là. Dans une autre perspective incorporée, « J’accuse… ! ... », c’est tout simplement la réplique négative au concept archétypal « L’Arbre de vie », dont l’origine est à retrouver dans les profondeurs de la culture égyptienne, et cela, évidemment, bien avant l’apparition du christianisme.

 

Avec ses racines enfoncées dans la terre et ses branches s’élançant vers le ciel, l’arbre est considéré un symbole des rapports entre ciel et terre. En ce sens, il revêt le caractère d’un centre. Qui plus est, cet arbre central qui, par sa présence et sa puissance, couvre l’ensemble du domaine de la pensée – du cosmos jusqu’à l’homme -, est nécessairement aussi un arbre de la vie.  

 

Un tel arbre existe dans un des musées de Roumanie, mais c’est un arbre orné, selon la tradition ancestrale locale, de croix archaïques, en bois. Dans leur essence, les croix symbolisent la mort. Dans la conception traditionnelle carpatique du lieu, donc, la vie éternelle est conditionnée par l’évocation de la mort, soit de ce que les Latins appelaient Memento mori. Adrian Costea a connu, de la manière la plus tangible qui soit, de tels artefacts, dans ses pérégrinations, tant à travers la Roumanie que – et surtout – dans le monde, très vaste et très divers, qu’il a parcouru et où il a fouillé continûment, pendant plus de 40 ans. Il les a d’ailleurs même utilisés intensément, comme il a employé tout ce qu’il a appris. Dans le cas de l’œuvre « J’accuse… ! … », l’interprétation de « L’Arbre de vie » est à l’envers, l’algorithme de la construction étant préservé.

 

Il existe encore un artefact, qu’il est peu probable qu’Adrian Costea ait connu, parce qu’il est de date récente, mais qui confirme, une nouvelle fois, son ancestralité commune avec Constantin Brâncuşi : « La Croix aux péchés ». Cet objet, avec une puissance symbolique presqu’irradiante, n’a pas été conçu et réalisé par un artiste ayant suivi de hautes écoles, mais par un artisan primitif du Maramureş : Teodor Bârsan du village de Bârsana. C’est une croix simple en bois, où des dizaines de clous de différentes tailles sont enfoncés, certains minuscules, d’autres géants. Non contaminé par des symboles intellectualistes, vierge dans sa perception archétypale, cet anonyme a paraphrasé, purement et simplement, de manière instinctuelle et polémique, « L’arbre de vie », créant un corollaire puissant à l’intérieur du même paradigme. « La Croix aux péchés » confirme, par ce que l’on pourrait appeler « la déposition du Troisième Témoin », la racine commune de deux artistes universels, Brâncuşi et Adrian Costea, si différents mais si apparentés… Le Troisième Témoin, c’est, dans ce cas et dans ce contexte, leur Ancêtre… Et Brâncuşi et Costea sont deux intellectuels racés, qui ont su préserver, comme par miracle et au bénéfice de l’art universel, leur primitivisme générateur de chefs-d’œuvre…

 

Je reviens à « J’accuse… ! … » ; les éléments de composition – majeurs ou simples accents - sont des représentations de certains états, de certains états d’âme, de certaines pensées, douleurs ou seulement des bribes de tout cela (les clous de « La Croix aux péchés » !), mis en rapport d’après une logique complexe et secrète. Tout ce qu’ils transmettent au spectateur, en tant qu’état immédiat, c’est ce que l’auteur a vécu directement, sur sa propre peau. La liste de ces états est énumérée par Adrian Costea lui-même, sur le « corps » même de l’œuvre : « douleurs, rêves, cris, lamentations, sang, vomi, cauchemar, vol, rouille, usure, poussière, pourriture, procédure interminable, coutume infernale, pénombre, zone conspirative dans laquelle on ne parle pas de ce qu'on fait, et on fait ce qui n'est pas écrit qu'il faut faire ou qui peut être fait. La guillotine chante à coups secs, et le sang coule à flots dans les caniveaux. Les hommes font la queue pour être décapités. »

 

La définition et l’inventaire du Mal universel de l’Antichambre de la Mort, qu’est « J’accuse… ! … », sont à retrouver dans la forme complète, exhaustive, dans la messe chrétienne orthodoxe d’exorcisation appelée « Les Exorcismes de Saint Basile le Grand pour ceux qui souffrent à cause du Diable ». L’identification du Mal, du Diable, sous toutes ses formes visibles et invisibles, de tous les noms qu’il porte et de tous les endroits où il se cache, est obligatoire, parce qu’à défaut, la messe n’est pas efficace. Dans « J’accuse… ! … », Adrian Costea conceptualise le même inventaire exhaustif du Mal, avec le même but thaumaturgique. Si un seul lieu possible de refuge du Mal n’est pas mentionné dans l’inventaire de la prière, la possibilité de s’évader lui est accordée. Dans le cas d’espèce, le texte des Exorcismes fait corps commun avec « J’accuse… ! … ». En voici une partie : « Tremble, fuis, détale, retire-toi, démon impur et maudit, démon des enfers et des tréfonds, trompeur et difforme, qui te rends visible par impudence, invisible par hypocrisie, où que tu te trouves ou te caches, que tu sois Belzébuth en personne ou quelque esprit remuant, que tu prennes l’aspect d’un dragon ou le visage d’une bête, que tu te manifestes comme vapeur ou comme fumée, en mâle ou en femelle, comme serpent ou comme oiseau, comme parlant la nuit, comme sourd ou comme muet ; semant la terreur par ton incursion, par des convulsions, en tramant des complots, dans la pesanteur du sommeil, dans la faiblesse ou la maladie, par des éclats de rire, des larmes de plaisir, en démon libertin, malodorant, voluptueux, concupiscent, en ami de la drogue et de l’érotisme, de la magie et de l’occultisme, en celui qui hante les maisons avec effronterie, en celui qui attise les querelles et fomente les troubles, qui change avec la lune et tourne avec le temps ; qui paraît le matin, à midi, à minuit, à une heure indue ou en plein jour, survenant de soi-même ou envoyé par quelqu’un ; approchant à l’improviste, sur mer, sur un fleuve, sur terre, dans un puits, un précipice, une fosse, un étang, un marécage, une forêt, un lieu retiré ou impur, un bois, une chênaie, un arbre, un oiseau, un éclair, un établissement de bains, une vasque d’eau, un monument païen, là où nous savons ou nous l’ignorons, à notre su, à notre insu, d’un lieu inattendu ; va-t’en, éloigne-toi. Respecte l’image créée et façonnée par la divine main […]. Grande est, en effet, la crainte qu’inspire notre Dieu, aussi grande que la gloire du Père, du Fils et du saint Esprit […] maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. »

 

Le titre de l’œuvre « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea » est une incantation plastique résonante, une forme d’exorcisation de l’absurde. Tous les milliers d’« autographes » exposés bien en vue ou cachés profondément dans l’œuvre (et il y en a plus de 6000 !) sont des instruments de la Mort, employés comme armes contre la Mort universelle même. Adrian Costea ose, avec une grandiose impertinence et avec une énorme passion, expulser vers le ciel une Imitatio Christi du verset « écrasant la Mort par Sa Mort » de l’hymne pascal de la messe byzantine de la Résurrection. « J’accuse… ! », c’est la Mort qui tue la Mort ! »

 

Et ce, non seulement comme message, mais premièrement comme spectacle rituel : terrifiant, grotesque, mais aussi sublime, exaltant, telle une prière prononcée en même temps qu’une malédiction.

 

   

 

Adrian Costea épanche ses amendements occultes par-delà la superbe de la matière. Sur les couvertures ainsi que sur la souche d’un livre en allemand sur les maladies du béton (intéressante et lapidaire démonstration que même le béton n’est pas éternel !), il a calligraphié des versets de pensées qui sanctionnent de manière drastique, en dénonçant l’absurde, l’illusion de la persistance avec laquelle le monde se recommande:

« Dieu ! Si nous n'avions pas de péché, que ferais-tu de ton pardon ? »
« Un sourd a entendu un muet raconter qu'un aveugle a vu un boiteux courir. »
« La langue n'a pas d'os, mais elle peut en briser ! »
« La véritable humilité consiste à ne rien vouloir ! »
« Quand on rêve que l'on voyage en train, inutile d'acheter un billet. »
« Aussi longtemps que les mots sont dans ta bouche, tu es leur maître. Une fois qu'ils sont prononcés, tu es leur esclave! »

« L’homme est ce qu’il y a de meilleur dans la création, et pourtant, quand il s’agit de traire la bête, il s’agenouille devant elle !»
« Paye tes dettes avant de faire des dons.»
« Le but de l’argent, c’est l’argent. »
« Dieu ! Aide-moi à me relever ! Pour ce qui est de tomber, j’y arrive tout seul ! »

 

Tous ces détails, qui susciteraient même la convoitise de Marcel Duchamp, sont des échappatoires intellectuelles issues de la culture académique d’Adrian Costea. Toutefois, dans leur essence, ce sont des éléments de construction d’une scénographie et d’une mise en scène rituelle, d’origine initiatique. Dont à coup sûr de celle apprise et pratiquée au Saint Sépulcre de Jérusalem, entre les murs duquel il s’est construit un atelier et où il a travaillé pas mal de temps.

 

« J’accuse… ! », c’est l’Arbre de la Mort, parce que c’est l’Arbre de la Connaissance. Selon les dogmes judéo-chrétiens, ces concepts sont identiques du point de vue consensuel, parce que l’Homme, dès lors qu’il a mordu à la pomme de la connaissance, a perdu le droit à l’immortalité. L’échec gnoséologique de l’immanence, c’est la démonstration plastique d’Adrian Costea, et cela se voit dans l’intention, comme dans la finalité. Presque toute la construction est composée de restes de produits de la connaissance, soit de déchets de notre civilisation matérielle. A quelques exceptions près : la tête du Magistrat, les glands de chêne, les branches et les feuilles présents sur les plateaux de la Balance, les taches de sang de l’auteur, qui relèvent du bio art (cette interférence n’est pas oubliée non plus), mais aussi de la magie défensive. Car « J’accuse… ! …» est une forteresse, un bastion chamanique construit, dans le miroir, par corrélation à cet « Arbre de Vie » orné de croix. « L’Arbre de la Mort » est une croix ornée d’artefacts usés. « L’Arbre de Vie » a des racines. « L’Arbre de la Mort » n’a pas de racines, il a des ailes de bois.

 

Et l’œuvre proprement-dite ne touche pas le sol. Bien qu’elle ait une tonne, elle « flotte » dans l’air. C’est un golem volant, prêt à « décoller » à tout instant et à punir quiconque a porté ou porte atteinte à l’équilibre moral du monde (la Balance). En fait, au-delà de la référence stricte à l’univers de l’art plastique, qu’elle couvre dans son ensemble, du point de vue quantitatif et qualitatif, telle est, semble-t-il, la vocation fondamentale de l’œuvre présente au 38 rue de Lisbonne, Paris, VIIIe…

 

IV. PERORATIO

 

« La beauté, c’est la splendeur de la vérité », disait Thomas d’Aquin, en complétant Aristote. Et la splendeur de l’absurde, alors ? Quelle apparence devrait-elle avoir et à quels sens devrait-elle s’adresser ? Une partie de la réponse est à retrouver dans les œuvres d’Albert Camus (et surtout dans son théâtre) et une autre partie chez Kafka. Quelque chose manquait, toutefois : l’image, la représentation visuelle de l’absurde, plane ou en trois dimensions. Je pense, bien évidemment, à une représentation plastique ayant l’envergure des deux titans de la littérature de l’absurde, et non à des essais ou à des observations plastiques, de la catégorie d’art d’arrière-plan. En matière de littérature de l’absurde, j’ai pour ainsi dire « découpé » Camus et Kafka du contexte de leur association avec Eugène Ionesco, Samuel Beckett et Jean-Paul Sartre (accrédités en égale mesure par la culture universelle en tant que chefs de file du courant) instituant le critère du tragisme. Ionesco, Beckett et Sartre ont perçu l’absurde mentalement seulement, ils ne l’ont pas vécu charnellement, comme Camus et Kafka, et l’expression artistique de leur création est la conséquence du type de perception.

 

 

 

Ainsi, s’il existe une représentation exhaustive de l’esthétique de l’absurde, qui épouvante et oblige à se régénérer en même temps, qui fonctionne tant au plan  esthétique que moral, social et métaphysique au niveau d’expression tragique de Camus et Kafka, ce ne peut être que « J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea ». Nous avons ainsi identifié la triade tragique de l’esthétique de l’absurde, formée de deux écrivains et un sculpteur, triade dont la représentation est, selon moi, un triangle isocèle, avec Adrian Costea au sommet de l’angle inégal. Dans tous les sens possibles, « J’accuse… ! ... » représente, à elle seule, un véritable musée de la condition humaine, quintessence de deux millénaires d’ère chrétienne. Elle comprend en égale mesure l’accusateur et l’accusé, le magistrat et le témoin historique (Emile Zola), et l’accusé-accusateur qui revendique et prouve sa liberté et son innocence par son acte de condamnation même. Toute la symbolique de la justice terrienne, donc, depuis Périclès à nos jours.

 

Dans cette œuvre, deux justices s’expriment : l’une – immanente – et l’autre – transcendante. La première est erronée, parce qu’elle juge de manière circonstancielle et condamne un innocent, l’autre est implacable et juste, bien qu’elle rétablisse l’équilibre du monde par l’erreur de la première. La première est visible, représentée dans toute la splendeur de sa hideur, l’autre est invisible, induite dans la conscience du spectateur par la présence de la première, dont le but est de comprendre la deuxième. Nous ne savons pas si cette compréhension arrive ou non au bout, mais ce qui est certain, c’est que le mouvement commence à se produire, tel celui de la balance déséquilibrée par une seule goutte de la Coupe du Graal.

 

Le condamné d’Adrian Costea (que l’auteur a choisi d’illustrer par lui-même, mais ce pourrait être n’importe quel habitant du monde) paie, par une peine injuste, une faute d’une autre nature que celle invoquée par le Magistrat. Il se révolte et clame son innocence, en sachant, en même temps, qu’il expie une infraction métaphysique grave. La sentence se retourne contre le Magistrat qui la prononce, le condamné prononçant, contre lui, sa propre sentence : « J’accuse… ! … ». Comme Zola dans l’Affaire Dreyfus, l’horreur consiste en la faute d’être innocent juste au moment où la foule conspirative a déjà vendu votre corps et déjà encaissé le prix, aussi.

 

Dans son immanence, le monde est absurde. Il ne peut pas être ordonné et coordonné en partant de ses propres repères. Ni compris, en l’absence d’un principe intégrateur, transcendant. L’erreur de la philosophie de l’absurde et la tragédie de quelques-uns de ses représentants provient de là. Je les ai déjà nommés – Kafka et Camus. La différence entre eux et Adrian Costea, c’est que le sculpteur a accepté la transcendance, en se servant des instruments et des matériaux de construction de la réalité immanente. « J’accuse… ! … » est construite des déchets accumulés d’une civilisation expirée, mais dans les espaces vides entre les éléments de construction, Dieu respire, marqué par la Croix invisible/visible de Saint André, et non seulement… Des symboles fondamentaux du christianisme existent sous nos yeux, et pourtant, ils restent invisibles.

 

Dans un contexte immanent, Adrian Costea réagit du point de vue artistique et philosophique comme un personnage de Camus, se révoltant avec un maximum de violence, de toutes ses forces et avec toutes ses ressources intérieures. Soit il donne à César ce qui est à César. Et le « César », c’est, dans ce cas, le monde immanent lui-même, personnifié par « J’accuse… ! … ». Le golem de Costea reste la solution la plus efficace, mais, bien évidemment, la plus dangereuse, aussi.

 

Au-delà du langage plastique de  son œuvre, l’auteur commente, par écrit, lui-même, de nouveau, sur le corps même de cette œuvre, la condition humaine et le/son tragisme personnel : « La France des années 1789 est de nouveau fleurissante. La délation est payée en or. Les chuchotements se font preuves irréfutables et irrévocables, ils produisent ainsi des preuves immédiates menant vers une mort immédiate. La soif de sang est en plein triomphe. On exécute à la demande, ou par un retour de faveur, surtout quand il s'agit d'un étranger, riche, solitaire, et sans dettes... Comment a-t-il réussi, cet exilé, à pénétrer au niveau le plus haut de la société ? C'est une honte et il faut l'éliminer absolument ! Sa faute, on va la créer, et grâce à celle-ci, on aura la punition qui va avec! »

 

C’est un commentaire amer de sa propre expérience, mais aussi un décryptage circonstancié d’une partie du message de l’œuvre. Et, en même temps, un contrepoint au monologue du personnage La Peste de la pièce « L’Etat de siège » d’Albert Camus, personnage qui a le « visage » du Magistrat de « J’accuse… ! … ».

 

« Il est interdit, le pathétique, avec quelques autres balançoires comme la ridicule angoisse du bonheur, le visage stupide des amoureux, la contemplation égoïste des paysages et la coupable ironie […]. A partir d'aujourd'hui, vous allez apprendre à mourir dans l'ordre. Jusqu'ici vous mouriez à l'espagnole, un peu au hasard, au jugé pour ainsi dire […], quand il est tellement plus distingué de tuer pour les plaisirs de la logique […]. Une seule mort pour tous et selon le bel ordre d'une liste. Vous aurez vos fiches, vous ne mourrez plus par caprice. Le destin, désormais s'est assagi, il a pris ses bureaux. Vous serez dans la statistique et vous allez enfin servir à quelque chose.»

 

L’officier-tortionnaire de la nouvelle de Franz Kafka a fait une prévision fausse : la mort de l’appareil d’exécution. Il s’est laissé exécuter, en étant persuadé qu’avec lui, sa machine à tuer allait mourir aussi. Il s’est pourtant trompé. Il s’est trompé, nous trompant également car, sans le vouloir, il a commis un sacrifice, se donnant en proie à la machine. Or, le sacrifice, quelle que soit sa nature, célèbre et perpétue. La machine du tortionnaire n’est pas morte, elle est ressuscitée dans la forme monstrueuse et parfaite qu’est cette œuvre d’Adrian Costea.

 

« J’accuse… ! E. Zola / Moi aussi… ! A. Costea » est la plus autobiographique des sculptures par accumulation d’Adrian Costea mais, paradoxalement, la plus abstraite épopée symbolique de l’impuissance humaine devant le Mal absolu. Qui ne peut être ni compris, ni affronté. Il peut seulement être représenté et exorcisé, avec et sous la protection et le soutien de Dieu. Et c’est exactement ce que « J’accuse… ! … » fait. Elle représente, si je peux me permettre cet oxymore, LA SUCCESSION SIMULTANEE de l’histoire et de la civilisation.

_________________________________________________

 

MIRON MANEGA

  • Ecrivain, journaliste et poète
  • Président du Département L'art médiatique d'ACOAR (Association des Marchands d'Oœuvres d'Art en Roumanie)
  • Consultant à l’Association des Experts et des Evaluateurs d’Art de Roumanie (AEEAR)
  • Critique et analyste du marché international de l’art
  •  Fondateur et coordonateur de la plate-forme culturelle  CERTITUDINEA www.certitudinea.ro
  • Directeur littéraire et éditorial du journal „CERTITUDINEA” __________________________________________

 

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